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Thèmes de recherche

Le projet DinLang aborde différentes problématiques. Vous trouverez ici quelques exemples de nos thèmes de recherche.

  • Cadres participatifs et dîners familiaux
  • L'école dans les dîners familiaux
  • Entrer dans la langue par la prosodie
  • Manger et Parler : la co-activité dans les dîners familiaux

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Cadres participatifs et dîners familiaux

Les conversations à plusieurs permettent aux enfants d’élargir leur palette de pratiques langagières. Les situations de dîner, durant lesquelles les membres de la famille participent à une orchestration subtile et collective des mets et des mots, sont particulièrement riches pour analyser comment les enfants et les adultes occupent différents rôles dans les interactions et se positionnent les uns par rapport aux autres. En effet durant les conversations à plusieurs, on peut être celui qui parle, celui ou ceux à qui cette personne s’adresse. Mais on peut n’occuper aucun de ces deux rôles tout en se concentrant par les oreilles et/ou les yeux sur la conversation des autres, ou au contraire, ne pas s’y intéresser du tout, rêver, se préparer au lendemain, savourer son dîner…. Et différentes conversations peuvent se chevaucher, se rejoindre, s’entremêler.

Les dîners en famille nous donnent donc l’occasion d’analyser comment les enfants apprennent des compétences interactionnelles complexes. Il s’agit de savoir gérer les tours de parole, d’attirer l’attention, d’entrer au bon moment dans la conversation, de savoir aussi céder la parole aux autres, ou de la solliciter au bon moment si l’adulte est très occupé avec une petite sœur ou concentré sur son repas.

Les thèmes des conversations peuvent être de nature diverse, on peut parler du dîner lui-même, du comportement des uns et des autres dans l’ici maintenant, ou bien décrocher de la situation, raconter ce qu’on a fait à l’école, programmer les prochaines vacances, raconter un film, ou poser des questions sur les actualités, donner son avis. Selon le thème des conversations, les enfants, en fonction de leur âge, seront plus ou moins à même et désireux de participer aux échanges.

Illustrations

SF-F2 Eau

Cet extrait illustre la capacité des adultes à passer d’un cadre participatif à l’autre avec fluidité.

Le père montre son engagement dans l’interaction par son regard sur l'aînée, qui explique ce qu'elle a fait à l'école. On est dans ce qu’on appelle un thème distal, hors de l’ici maintenant que seule l’enfant, qui en a fait l’expérience peut raconter. La mère s'occupe du dîner de la cadette. A un moment donné, la mère demande de l'eau au père. Sans jamais quitter le cadre participatif avec l'aînée, le père répond à la demande en lui tendant la bouteille

FRA1-D1 Légumes

Les quatre participants sont impliqués à des degrés divers dans le cadre participatif mais la cadette marque qu’elle a une interlocutrice ciblée, sa mère. Ses regards sont quasi exclusivement tournés vers elle pendant son récit. Elle intègre comme interlocuteur ni son père qui a pourtant posé une question ce qui a montré à sa fille qu’il était engagé dans l’interaction, mais qu’elle lâche rapidement du regard et qui finit d’ailleurs par ne plus rien comprendre, ni son frère, assis à côté d’elle qui pourtant s’intéresse à son récit, pour se concentrer sur sa mère qui est assise juste en face d’elle.

Pour aller plus loin : le cadre théorique

Les références majeures sur la question de cadre participatif sont Goffman avec les notions de "footing" et de "participation framework/production format" (1981) et Goodwin (1981, 2007), Goodwin et Goodwin (2004).

Goffman observe la diversité de l’organisation de la parole. Il déconstruit le concept d’une interaction binaire dans laquelle les seuls rôles seraient ceux de locuteur et d’interlocuteur. Il montre combien la réception peut être hétérogène, nuancée. Il faut prendre en compte tous ceux qui ont accès à la conversation dans nos analyses. Goffman distingue différentes strates dans le cadre participatif, en fonction du degré de ratification (ou d’adhésion) et d'adresse des participants. En ce qui concerne la production, il montre que sous le terme de « locuteur », on peut distinguer différentes instances, l’animateur qui est le simple producteur (sonore ou visuel) du discours, l’auteur qui choisit les sentiments à exprimer et les mots pour les formuler, le responsable qui prend en charge ce qu’il dit …

Goffman a montré non seulement qu’il fallait prendre en compte tous les rôles des participants dans l’interaction et leur degré d’engagement, mais également à quel point ce cadre participatif est fluctuant. Il se transforme en permanence tout au long de la dynamique interactionnelle, ce sur quoi Goodwin (2007) insiste tout particulièrement. Les participants peuvent constamment changer de position au fil de l’interaction. Goodwin & Goodwin (2004) ont également mis en lumière la diversité des ressources corporelles employées dans les interactions (regard, expressions faciales, paroles, gestes, manipulations d’objets, toucher) en portant une attention particulière à la disposition des corps les uns par rapport aux autres mais aussi par rapport à l’environnement et ses objets.

Dans le cadre de nos dîners familiaux, cette prise en compte des formes de participation et de leur multimodalité est particulièrement pertinente et permet de mieux saisir comment les enfants, avec le soutien, l’accompagnement, des adultes, et de leur fratrie, développent des compétences interactionnelles complexes.

Références :

Goffman, E. (1981). Forms of Talk, Philadelphie, University of Pennsylvania Press

Goodwin, C. (1981). Conversational organization: interaction between speakers and hearers, New York, Academic Press.

Goodwin, C. Goodwin M. (2004). Participation. In A Companion to Linguistic Anthropology, in Alessandro Duranti, ed, Maldan, M, Blackwell, pp. 222-244.

Goodwin, C. (2007). Interactive Footing, in E. Holt and R. Clift, eds, Reporting Talk: Reported Speech in Interaction, Cambridge, Cambridge University Press, pp. 16-46.

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L’école dans les dîners familiaux

Les dîners familiaux font partie de l’héritage culturel français. Ce sont des moments de retrouvailles et de partage qui jouent un rôle-clé dans la vie quotidienne des Français. Ils offrent une occasion idéale d’étudier les pratiques et les interactions langagières entre parents et enfants.

En famille, les participants échangent sur ce qui se passe pendant le dîner et partagent également des événements passés ou à venir. Sont donc évoqués aussi bien ce qui se déroule dans l’ici et maintenant (i.e. discours proximal) que des événements plus lointains ou des projets (i.e. discours distal) (Dancygier, 2019).

L’école est ressortie comme un thème de conversation distal fréquent dans les familles au moment du dîner. En effet, les enfants qui ont été à l’école, sans les parents, peuvent, spontanément ou en y étant invités, revenir sur le déroulement de leur journée (Morgenstern et al., 2021). Cela constitue une occasion pour les enfants de prendre la parole et de faire participer tous les membres de la famille qui vont expliquer, étayer ou apporter des précisions (Ochs and Tailor, 1992).

Nous avons souhaité nous centrer sur la manière dont ces événements distaux tournant autour de l’école s’invitent dans les discussions familiales au moment des dîners. Il s’agit de se demander comment la vie à l’école est évoquée (en français ou en LSF) par les parents et les enfants à table et, au-delà, comment ces interactions peuvent contribuer à répondre aux attentes scolaires.

Pour aller plus loin, trois catégories de discours école ont été identifiées (ce qui correspond à la tier « disc ecole »). L’école peut d’abord être évoquée en lien avec les apprentissages, à travers les connaissances, compétences, savoirs construits à l’école (en référence aux leçons, aux notes, aux devoirs, etc.). Par exemple, dans la famille SF-F2, l’aînée explique à son père une leçon de mathématiques sur l’addition de paires (2+2, 4+4, etc.). L’école peut ensuite être abordée comme un lieu de socialisation, en insistant sur le relationnel, le social, le vécu (comme lors de temps de cantine ou de récréation, des activités périscolaires ou de sorties scolaires). Par exemple, dans la FRA1-D1, la cadette raconte le film qu’elle est allée voir au cinéma avec sa classe de maternelle. L’école peut enfin être utilisée comme marqueur spatio-temporel, afin de raconter ce qui s’est passé avant ou après l’école. Dans la FRA2-D2, les parents tirent au sort (comptine « plouf plouf ») pour savoir qui accompagnera les enfants à l’école le lendemain.

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L’école et les apprentissages: SF-F2 -Mathématiques : Aînée 6 ans, Cadette 2 ans et demi

Cet échange est initié par le père dans la continuité des questions sur l’école adressées à la fille aînée pendant le dîner.

Tout en expliquant ce qui s’est passé à l’école, celle-ci se saisit d’un objet posé sur la table (une bouteille avec une étiquette) pour illustrer un problème de mathématiques travaillé en classe. Elle est déjà capable, non seulement de raconter sa journée de classe (et donc de faire du discours distal), mais aussi de s’adapter à son interlocuteur et à son environnement immédiat.

Elle endosse le rôle d’enseignant, c’est-à-dire d’expert, vis-à-vis de son père, qu’elle considère comme novice. On remarque que sa posture et son style de signeuse est pédagogique (rythme, amplitude, expressions faciales), ce qui est souligné par sa question finale : “t’as compris?”.

NB : On peut remarquer que, dans cette vidéo, deux conversations se tiennent parallèlement, l’une entre le père et la fille aînée et l’autre entre la mère et la cadette : nous avons donc deux cadres participatifs.

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Entrer dans la langue par la prosodie

Quand on s’exprime en français parlé ou en LSF, on peut utiliser différents moyens linguistiques pour organiser son discours et les informations qu’il comprend. On choisit tel ou tel mot/signe, telle ou telle construction de phrase, et on peut également moduler son débit de parole (qu’elle soit gestuelle ou vocale), accentuer un mot/signe qui nous semble plus important (comme le père qui accentue le signe [GRAND] , modifier l’intonation vocale ou gestuelle pour indiquer qu’on pose une question , que l’on donne un ordre … Ces phénomènes relèvent de l’étude d’un niveau qu’on appelle la prosodie.

Un certain nombre d’études ont déjà décrit ces phénomènes, que ce soit pour les langues parlées ou, plus récemment, pour les langues des signes mais la façon dont nous croisons les regards sur des diners dans les deux langues permet de réinterroger cette répartition un peu rapide entre le français parlé qui ne serait que vocal, et la LSF qui ne pourrait pas être analysée avec tous les paramètres prosodiques.

Les dîners sont une situation privilégiée pour étudier ces phénomènes produits de manière spontanée : chaque membre de la famille doit au cours du repas imposer / partager son propre point de vue , et encore, mettre en œuvre des stratégies pour prendre part à la discussion collective , donner des consignes ou transmettre une nouvelle information .

C’est une situation qui nous donne à voir comment les adultes s’adressent aux enfants, les enfants aux parents, les grands frères ou grandes sœurs aux plus jeunes…

On y observe également les stratégies des tout-petits pour attirer l’attention, prendre la parole, maintenir son tour. Les plus jeunes semblent parfois avoir encore des difficultés à maitriser les formes, les patrons prosodiques des adultes.

Comme nous avons construit des grilles d’analyse valables pour les deux langues, cela nous permet de mettre en valeur ce qui est commun dans leur organisation. Ainsi, on s’aperçoit que l’hyper-articulation caractérise souvent l’emphase qu’un signeur ou locuteur produit et cette hyper-articulation peut se déployer sur les lèvres, les joues, les sourcils, la tête ou les mains, chez les personnes qui signent ou qui parlent.

Nous essayons aussi de visualiser les mesures des mouvements manuels et non manuels comme nous pouvons visualiser les modulations du flux sonore

Cela nous permet, grâce à l’étude de la prosodie gestuelle de la LSF, de nous rendre compte que le français parlé est en fait une ‘langue multimodale’, que les entendant·es utilisent d’autres moyens que leur voix pour organiser leur discours et l’information qu’il contient. Qui l’eut cru !

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Manger et Parler : la co-activité dans les dîners familiaux